Une minute, c’est le temps nécessaire pour introduire sur un téléphone mobile un logiciel espion. Cela permet, et d’une manière invisible pour la victime, de retransmettre à un tiers l’ensemble des appels (numéros de téléphone, durées des communications…) ainsi que le contenu des SMS échangés. Plus fort encore, “les smartphones sont vendus avec GPS intégrés et un accès à Internet, souligne Marc Blanchard, chercheur, spécialiste des virus informatiques. Avec Google Map, il est aisé de suivre les pérégrinations géographiques d’un individu, dont le mobile est “sous surveillance”". Enfin, à faire blêmir d’envie les barbouzes du XXe siècle, une option permet d’appeler le téléphone en mode silencieux et de le faire décrocher. L’environnement sonore de la personne surveillée est dès lors audible pour l’espion amateur. Il est inutile d’appartenir à une agence de renseignement pour acquérir pareil logiciel. Une simple recherche sur Google renvoie à différents cybercommerces spécialisés, dont le coût des services varie de 100 (64 euros) à plus de 1 000 dollars par an. Flexispy est le plus référencé des logiciels espions. “Ce programme est un virus de type trojan”, estime-t-on chez F-Secure, société de sécurité informatique. 30 000 EUROS D’AMENDE Vervarta, la société thaïlandaise qui édite Flexyspy, décline toute responsabilité concernant les “mauvaises utilisations” faites de son logiciel. Toutefois, le site commercial de Flexyspy décrit sans ambages l’usage attendu de ce produit : “Coincez femmes ou maris infidèles”, peut-on lire sur la première page du site. Si l’acquisition et l’utilisation de ce type de logiciel est relativement simple, elle n’est pas, en France, sans risque sur le plan juridique. “Surveiller le courriel, les conversations téléphoniques ou les SMS d’une personne sans l’avertir est une atteinte à la vie privée, une liberté fondamentale en droit français”, rappelle Me Garance Mathias, avocate au barreau de Paris. “Ouvrir un courrier qui ne vous est pas adressé va à l’encontre du principe du secret de la correspondance, poursuit-elle. Qu’il s’agisse d’une lettre, d’un courriel ou d’un SMS. Enfin, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, encadre la collecte des données à caractère personnelles.” Dans ce contexte, l’excès de jalousie peut mener en prison : selon le code pénal, accéder frauduleusement à un système de traitement automatisé de données peut valoir deux ans d’emprisonnement et jusqu’à 30 000 euros d’amende. Un amour déçu qui dégénère en “espionnite aiguë” n’est pas sans risque au pays de Marivaux.