La France a adopté une approche “durable” de son programme électronucléaire, avec recyclage des combustibles, traitement des déchets, limitation des risques de prolifération militaire, font valoir les acteurs français de la filière. L’essor du nucléaire qui se profile dans de nombreux pays face à la crise de l’énergie est “nécessaire, mais doit être accompagné pour être durable”, a souligné le directeur de l’énergie nucléaire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Philippe Pradel, lors d’une visite de presse cette semaine sur le site CEA de Marcoule (Gard). La Chine, l’Inde, se sont déjà lancées dans des programmes importants. Aux Etats-Unis, le candidat républicain à la présidentielle John McCain a appelé à la construction de 45 réacteurs nucléaires d’ici à 2030. Pas moins de 439 réacteurs sont déjà en service, et 34 sont en construction ou annoncés, dont deux de type EPR en France. Or la planète dispose seulement d’un siècle de réserves d’uranium pour alimenter le parc mondial de réacteurs, “au rythme actuel de la consommation”, selon une étude de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Dès les années 1980, la France a mis en place un “cycle du combustible fermé” : extraction de l’uranium, fabrication du combustible nucléaire, gestion du combustible usé avec récupération des matériaux fissiles et valorisables, puis recyclage du plutonium et conditionnement des déchets. Les autres pays n’avaient pas envisagé le retraitement, même si certains (Allemagne, Japon…) ont fini par suivre la même voie. Le CEA dispose à Marcoule de tous les laboratoires nécessaires aux recherches sur la seconde partie de ce “cycle fermé” pour optimiser l’aspect “durable” du nucléaire. Un concept battu en brèche par les anti-nucléaire : c’est un “nouveau nom pour des recherches et une vision du nucléaire qui existe depuis toujours”, a indiqué à l’AFP Frédéric Marillier, de Greenpeace France. Afin “d’économiser les ressources”, note M. Pradel, les chercheurs travaillent dans le laboratoire Atalante à la séparation des déchets - plutonium, actinides mineurs comme l’américium - et aux meilleures techniques pour les réutiliser comme combustibles (MOX…). Un réemploi qui optimise le rendement de la matière première et permet de diviser par 5 le volume des déchets issus de l’électronucléaire : le plutonium des 58 réacteurs en service est ainsi totalement recyclé et éliminé de la voie “déchets”. Pour les rebuts qui ne peuvent pas être retraités, le CEA se penche à Marcoule sur leur gestion: vitrification - incorporation des déchets dans des matrices de verre - et étude des capacités de résistance de ces matériaux. Par ailleurs, dans cette optique de nucléaire “durable”, le CEA examine à Marcoule les moyens d’éviter la prolifération en mélangeant le plutonium - utilisable, pur, pour la fabrication d’armes - avec de l’uranium ou des actinides mineurs. Enfin, un gros effort est mené dans la mise au point des réacteurs de l’avenir. Le prototype Phénix, installé sur le site, dispose ainsi d’un flux de neutrons rapides. Il annonce les futurs réacteurs de 4e génération à l’horizon 2040, qui produiront 50 fois plus d’électricité avec une même quantité d’uranium, “économisant les ressources et minimisant encore plus les déchets”, souligne M. Pradel. Pour Greenpeace, même avec la 4e génération, “la notion de durabilité au sens environnemental du terme n’a aucun sens”, car aucun des “trois problèmes majeurs - risques d’accident, de prolifération, de déchets - ne sera résolu”.