L’Assemblée générale de l’ONU a donné mercredi satisfaction à la Serbie en sollicitant l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de l’indépendance du Kosovo. L’Assemblée a adopté une résolution rédigée par Belgrade, dans laquelle elle demande l’avis consultatif de la Cour sur la question de savoir si la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo est “conforme au droit international”. Le texte a été adopté par 77 voix contre 6, avec 74 abstentions. Les Etats-Unis, l’un des 48 pays ayant reconnu l’indépendance du Kosovo, ont voté contre. Les 22 membres de l’Union européenne (UE) qui ont reconnu l’indépendance se sont abstenus. Les cinq autres - Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie, Slovaquie - ont voté pour. Toujours farouchement opposé à la sécession de sa province, Belgrade marque ainsi un point, même si l’opinion de la CIJ, qui ne devrait pas intervenir avant de longs mois, sera purement consultatif et ne devrait altérer la position des partisans de l’indépendance du Kosovo. “C’est un grand jour pour le droit international”, a déclaré après le vote le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic. Ce résultat, a-t-il dit lors d’une conférence de presse, “a pour effet de calmer les tensions dans la région” et il “transfère de facto l’aspect le plus délicat du problème du Kosovo, qui est son statut, du domaine politique au domaine juridique.” Le ministre a indiqué que Belgrade allait utiliser le répit que lui procure ce transfert à la CIJ de la question kosovare, en termes de pression politique, pour “faire avancer d’autres priorités stratégiques (…), en premier lieu l’intégration européenne.” Lors du débat, l’ambassadeur de Grande-Bretagne, John Sawers, a exprimé des doutes sur le caractère uniquement juridique de la requête serbe, estimant que ses motivations étaient “plus politiques que légales”. “Elle vise à ralentir l’émergence du Kosovo en tant que nation indépendante largement reconnue”, a-t-il dit. L’indépendance du Kosovo est et restera une réalité”, a affirmé M. Sawers, avant de rappeler que celle-ci avait été reconnue par 22 des 27 membres de l’UE, “organisation que la Serbie aspire à rejoindre”. Son collègue français, Jean-Maurice Ripert, a réitéré l’un des principaux arguments des partisans de l’indépendance, selon lequel compte tenu de l’Histoire, le Kosovo “constitue un cas +sui generis+, qui ne remet pas en question les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale qui fondent les relations internationales”. Tout en formulant le soutien de la France à la CIJ, M. Ripert a affirmé que la demande de la Serbie ne semblait “ni utile, car la situation du Kosovo indépendant nous paraît dépourvue d’incertitude juridique, ni opportune car elle ne contribue pas au nécessaire apaisement des tensions et risque de compliquer la perspective européenne des Balkans occidentaux”. Quarante-huit pays ont reconnu jusqu’ici cette indépendance, proclamée le 17 février à Pristina par les autorités kosovares albanaises. La Serbie, soutenue par son alliée traditionnelle la Russie, ne reconnaît pas cette indépendance proclamée unilatéralement, estimant qu’elle constitue “une violation de la Charte de l’ONU et des autres documents clés du système juridique international”. Les autorités de Pristina ont déclaré “regretter” la saisine de la CIJ, assurant toutefois que cela n’empêcherait pas de nouvelles reconnaissances diplomatiques à travers le monde. “Cela n’aidera pas à promouvoir la stabilité sur le long terme du Kosovo et de la région”, a déclaré aux journalistes le président kosovar, Fatmir Sejdiu, en soulignant que l’indépendance du Kosovo était “irréversible”.