Après avoir lu et relu, les articles et les commentaires sur le web sur cette réforme, je reviens consterné, comme à l’accoutumée, par l’absence totale de débat sur le fond. La presse nous a habitué à réduire l’actualité à quelques phrases légères, impactantes et comestibles et à quelques photos choc. Le débat tourne donc très vite au café du commerce. C’est une bataille d’opinion sans opinion et c’est bien triste. Ça me rappel tristement les débats pour les présidentielles 2007.

C’est donc en tant que constitutionnaliste (3 ans de spécialité, faut bien que ça serve) et après avoir attentivement assisté aux conférences de Arnaud Montebourg (PS) et de Corinne Lepage (MoDem) sur la 6ème république, que je peux vous affirmer que le compte ne y ai pas, notre république soufre encore de ses lacunes, mais il ne faut pas rêver, seul le peuple est capable d’un tel courage, quand il n’est pas endormie.

Voici le petit pas que nos parlementaires ont bien voulu faire, pour une réforme plus que nécessaire. C’est mieux que rien. Le PS a été incapable de la faire lorsqu’il était au pouvoir. Il donne des leçons mais ferait mieux de « balayer devant sa porte ». Si il y a eu marchandage chez nos députés, honte à eux. Mais c’est encore la triste réalité de notre vie politique, à gauche comme à droite, les votes se marchande.

Alors voici les réformes adoptées, celles qui ne l’ont pas été, restent pour la prochaine fois, mais sincèrement, je pense que seule une pression populaire fera un jour la différence.

La réforme pour les nuls :

Rééquilibrage du temps de parole entre les différents groupes politiques : c’est la clé de la démocratie, l’expression de tous, en assemblée. C’est l’origine de la démocratie. C’est insuffisant mais c’est déjà ça. Nous devons attendre la mise en œuvre de ce nouveau principe lorsque le parlement votera la loi d’application. Mais le mot est lâché et écrit dans notre loi fondamentale : « pluralisme », c’est-à-dire que Bayrou, Besancenot ou Marine Le Pen auront la parole, s’ils sont élu.

Limitation à deux mandats présidentiels : Nicolas Sarkozy pourra se représenter en 2012 mais à la fin du deuxième mandat, ce sera fini. Ouf ! Chirac ou feu Mitterrand ne peuvent plus se présenter.

Extension du référendum d’initiative populaire : si quelqu’un parvient à réunir 4,5 millions de signatures d’électeurs inscrits (10%) et une centaine de parlementaires (1/5ème du Parlement) il pourra présenter une question au vote des français (référendum). Sachant que l’UMP revendique 290 mille adhérents, le PS 250 et le MoDem 60 (mais qu’en réalité ils gonflent tous leurs chiffres de 20% au moins), on peut dire que ce quelqu’un peu aussi présenter un nouveau parti et gagnera largement la présidence de la république !

Contrôle des nominations effectuées par le président de la République : Ça c’est une réelle limitation des pouvoirs du Président qui pourra voir ses nominations refusées par le Parlement (sauf s’il contrôle la majorité parlementaire comme c’est le cas de l’UMP). Nomination par le président : 1er ministre, ministres, ambassadeurs, préfets, recteurs d’académie, conseillers constitutionnel, etc.

Le président ne conserve plus que le droit de grâce individuel. Le droit de grâce collectif disparaît ; C’est une petite avancée, alors « plein pouvoir » est un peu exagéré.

Possibilité pour le chef d’Etat de s’exprimer devant le Parlement : ce n’est pas une calomnie comme le crient les opposants de la réforme. Il y aura débat sans vote, c’est logique. On ne va pas voter sur le projet présidentiel.

Le nombre maximal de députés à 577 et crée les députés représentant les Français à l’étranger sans en fixer le nombre. C’est une mini réforme qui n’ajoute rien d’essentiel.

Partage de l’ordre du jour : Ça c’est la révolution parlementaire! Le parlement maîtrise 50% de son ordre du jour alors qu’avant l’opposition était tenu de parler seulement de ce qui intéressait le gouvernement. On va voir si les députés vont enfin toucher leur vrai salaire ! Celui de représenter le peuple et plus leur parti politique !

Limitation de l’article 49.3 : l’article qui permet l’adoption d’une loi sans vote est limité aux budgets de l’Etat, de la Sécurité sociale et “à un autre texte par session” ; Pas mal, le parlement est encore une fois « démuselé ». Il ne pourra plus se flageller en se nommant « simple chambre d’enregistrement ».

Exception d’inconstitutionnalité : C’est le droit aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel s’il trouve qu’une loi est contraire à la constitution, encore faut-il la lire : constitution de la Vème république (PDF).

Le langues régionales appartiennent “au patrimoine de la nation” : Une belle revanche à la doctrine de l’Etat Nation (une langue, un drapeau, une frontière, etc.…). Souvenons nous que des français ont été massacrés ou humiliés par cette doctrine qui leur interdisait de dire bonjour en patois sous peine d’être emprisonnés ou même fusillés. C’est une posture européenne que je salue. Nous sommes différend, nous sommes libres de nous exprimer dans notre langue régionale, mais devons nous traiter comme des égaux (Liberté, Egalité et Fraternité).

Encadrement des adhésions à l’Union européenne : les français seront rassurés, toute nouvelle adhésion seront par principe soumis au référendum, sauf si le parlement vote le contraire. Donc pour la Turquie, en principe les français auront le dernier mot sauf si 3/5ème des parlementaires préfèrent voter.

Après la décision du tribunal arbitral donnant raison à Bernard Tapie contre l’Etat, François Bayrou a dénoncé “la collusion entre Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie”. Interrogé dans Le Monde , Bernard Tapie avait rétorqué : “Bayrou, la seule chose qu’il sait faire, c’est répéter qu’il est un martyr, que les médias et les puissances d’argent ne l’aiment pas, que tout le monde est à mettre dans le même sac et qu’il se battra seul contre tous. C’est la même posture populiste que Le Pen, sans les idées. Du Le Pen propre”.

Les insultes proférées par M. Tapie à mon encontre (on comprend bien pourquoi) ne changeront rien aux dix affirmations suivantes, qui permettront à chacun de se faire une opinion.

1) Si M. Tapie a gain de cause, c’est le contribuable qui va payer. Le CDR (consortium de réalisation), structure destinée à liquider les actifs douteux du Crédit lyonnais, dont la quasi-totalité des activités ont cessé au 31 décembre 2006, n’a aucune autonomie financière. Son financement est assuré par l’EPFR (établissement public de financement et de restructuration), alimenté par les crédits budgétaires de l’Etat, donc par le contribuable.

2) Il n’y a pas eu de décision de justice. C’est une décision politique. La procédure d’arbitrage est une procédure privée destinée au monde des affaires. Qand les intérêts de l’Etat et du contribuable sont en jeu, c’est un principe absolu du droit que l’arbitrage est interdit; seules les juridictions instaurées par la loi sont compétentes.

3) Les principes de l’Etat de droit sont foulés aux pieds. C’est par crainte de décisions de justice défavorables à M.Tapie que le sommet de l’Etat a imposé une telle procédure d’arbitrage, sans appel possible. La seule décision favorable à M.Tapie a été cassée en des termes d’une dureté inhabituelle par la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, réunie exceptionnellement en formation plénière, sous la présidence de son premier président. Que l’Etat ait pu décider de renoncer à un tel avantage juridique et moral est sans précédent. Il faut noter qu’un autre principe général du droit est mis en cause : il ne peut y avoir de justice que contradictoire, or M. Tapie a été entendu, mais pas ses contradicteurs, ni Jean Peyrelevade qui a redressé le Crédit lyonnais, ni Jean-Pierre Aubert, président du CDR, jusqu’à la clôture de ses activités.

4) Dans la vente d’Adidas, M. Tapie n’a pas été perdant, il a été gagnant. D’ailleurs, c’est lui-même qui a fixé le prix de vente. Adidas a été acheté en 1990 avec un prêt à court terme de 1,6milliard de francs, à échéance en 1992. A cette date, l’entreprise mal gérée est en situation dramatique. Ne pouvant assurer son échéance, M. Tapie, ancien et bientôt nouveau ministre de la ville, décide alors de la vendre. Il cherche à en obtenir 2 milliards de francs mais l’acheteur (Pentland), découvrant l’étendue des dégâts, retire son offre. C’est alors que M. Tapie donne mandat à la banque de vendre l’entreprise, pour une somme d’un peu plus de 2 milliards de francs qu’il a lui-même fixée. Opération qui lui rapportera au total, si l’on en croit une expertise et une ordonnance judiciaire de l’époque, la somme de 200 millions de francs.

5) L’Etat va prendre à sa charge les dettes de M. Tapie. Contrairement à ce qui est répété en boucle, l’Etat ne va rien récupérer de ses créances. C’est lui qui va payer pour les dettes du groupe Tapie, totalement extérieures à l’affaire Adidas, et qui n’ont jamais été honorées. En particulier, le groupe de M.Tapie a depuis des années des millions de dettes fiscales et sociales vis-à-vis de l’Etat et de l’Urssaf. “Qui paye ses dettes s’enrichit.” Ici, c’est l’Etat qui paye les dettes de M. Tapie et celui-ci qui s’enrichit.

6) 285 millions d’euros, c’est l’équivalent de la totalité des salaires annuels des 11000 postes d’enseignants supprimés cette année. C’est une somme tellement astronomique que le citoyen ne peut pas s’en faire une idée. Traduite en salaires d’enseignant, c’est plus de 11000 postes à l’année. Si on y adjoint les intérêts, on atteint 400millions, cela représente une somme suffisante pour effacer l’essentiel du déficit des hôpitaux publics du pays.

7) 45millions pour “préjudice moral”, c’est une insulte. A l’intérieur de cette addition, les 45 millions d’euros pour “préjudice moral” (le mot ne manque pas de sel) sont une insulte pour le citoyen. Quelques comparaisons pour en prendre la mesure : cette somme est l’équivalent de 4000 années de travail au smic. Et l’indemnité moyenne pour une veuve après la mort d’un conjoint victime de l’amiante est de 45000euros, soit mille fois moins.

8 ) Tout était fait pour que l’affaire passe inaperçue. La décision d’arbitrage, dont le principe avait été décidé en catimini, largement orientée à l’avance par des montants d’indemnisation définis noir sur blanc, a été annoncée à un moment bien choisi : le vendredi soir ouvrant le week-end du 14 juillet à 17h30, pour que toutes les procédures soient entérinées avant le 15 août.

9) Pendant ce temps, on pressure les pauvres gens jusqu’au dernier centime. On va supprimer les allocations aux chômeurs qui refuseront un emploi trop éloigné de chez eux ou sous-payé. Je connais une jeune femme qui a été contrainte de rembourser une année de RMI parce qu’elle avait fait quelques heures de ménage sans les déclarer. Les faibles sont sans défense, mais le pouvoir enrichit avec complaisance ses affidés.

10) Le problème, ce n’est pas M. Tapie, c’est l’Etat et ceux qui sont à sa tête. Il y a toujours eu, il y aura toujours, des aventuriers qui se jouent des banques, du fisc, de la loi. Mais en principe l’Etat est là pour faire respecter les règles de droit et l’argent public. Ici, au contraire par le fait du prince, parce qu’il s’agit de soutiens ou de complices dans un certain nombre d’opérations politiques, passées, présentes ou à venir, l’Etat protège et enrichit ceux qui se moquent de sa loi. Le message est clair : sous ce régime, “qui n’est pas avec moi est contre moi”, et qui est avec moi est protégé et peut sabler le champagne. L’affaire Tapie donne la mesure de l’abaissement de l’Etat.

Nicolas Sarkozy n’a pas ménagé sa peine pour obtenir “sa” révision. Quitte à donner de multiples gages à ses adversaires, pour en débaucher quelques uns. Le jeu de rôle qui s’est établi entre Jack Lang et lui, par journal “Le Monde” interposé, pour racoleur qu’il fût, a produit l’effet escompté : une fois de plus et avec talent, il a réussi à mettre la pagaille dans le camp socialiste tout en l’acculant à une posture d’opposition stérile et illisible.

Les « torsions de bras » ont eu raison des parlementaires récalcitrants de sa majorité. Ce fut l’occasion de compter les plus déterminés, peu nombreux, et ceux dont le revirement, affublé de considérations politiques, se mesure plutôt à l’aune de la fragilité électorale.

La révision constitutionnelle vient donc d’être votée ; non pas à une voix de majorité mais à la majorité des trois cinquièmes dépassée d’une voix, ce qui ne signifie pas la même chose : le succès est indéniable, alors que l’UMP et ses seuls alliés n’en disposaient pas au congrès. Elle a été atteinte grâce aux centristes du Sénat et aux radicaux de gauche, au prix d’une réduction opportune du minimum nécessaire à la constitution d’un groupe parlementaire, réduction que les socialistes apprécieront.

Vingt-quatrième révision de la Constitution de 1958 en 50 ans ! En moyenne, une révision tous les deux ans, mais presque une par an depuis le début des années quatre-vingt-dix ! On est loin du discours officiel sur la stabilité du régime. L’instabilité constitutionnelle dont les Français sont les champions a trouvé son tour de passe-passe : au lieu de changer la Constitution elle-même, on la révise à tout bout de champ.

La Constitution de la Ve République a souvent été qualifiée de chauve-souris : mi-parlementaire, mi-présidentielle. La révision de 2008 lui fait subir une mue profonde : d’abord parce qu’elle met fin au « parlementarisme rationalisé » institué en 1958, mais sans que l’on en tire les conséquences nécessaires sur les parlementaires eux-mêmes ; ensuite parce qu’elle affaiblit l’exécutif dans son ensemble au détriment du Premier ministre, mais en ouvrant une question paradoxale sur la fonction même du chef de l’État.

1/ La fin du « parlementarisme rationalisé »

Cet euphémisme désignait la mise du Parlement sous tutelle de l’exécutif. Les rédacteurs de la Constitution l’avaient voulue par réaction aux errements du parlementarisme débridé de la IVe République. La plupart des verrous mis aux débordements parlementaires ont été retirés :

* la maitrise de l’ordre du jour n’appartient plus au seul gouvernement mais est largement partagée avec les bureaux des deux assemblées ;
* le nombre de commissions permanentes, limité à six pour éviter la formation de « contre-ministères », est porté à huit, plus une chargée des affaires européennes ;
* le texte soumis en discussion lors de la première lecture ne sera plus celui du gouvernement mais celui qui sortira des travaux de la commission parlementaire (sauf les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale) ;
* les assemblées pourront voter des résolutions ;
* le pouvoir de contrôle qu’exerce le Parlement sur le gouvernement est étendu à l’ensemble de l’action gouvernementale et à l’évaluation des politiques publiques, avec l’assistance désormais expresse de la Cour des comptes ;
* le référendum soi-disant d’initiative populaire est, en réalité, remis à l’initiative d’un cinquième des membres du parlement à qui il revient de recueillir ensuite le soutien d’un dixième des électeurs inscrits ;
* enfin, et ce n’est pas rien sur le plan des principes, le parlementaire qui sera nommé ministre retrouvera son siège lorsqu’il quittera le gouvernement.

Même si de nombreuses propositions encore plus audacieuses de la commission Balladur ont été finalement abandonnées, les adeptes du parlementarisme traditionnel ont obtenu l’essentiel de ce qui était nécessaire à la restauration du Parlement dans son rôle et ses responsabilités : c’était souhaitable, mais il faut reconnaître que le changement est d’importance. Du moins sur le papier.

2/ La survie du mal qui vicie la fonction parlementaire

La question porte sur l’intérêt et la disponibilité des parlementaires à exercer réellement leurs nouveaux pouvoirs ; la réponse ne coule pas de source.

Les parlementaires français détiennent le record du cumul des mandats, et cette plaie s’est considérablement accrue sous la Ve République. On en connait la raison historique : à ses débuts, le parti gaulliste n’avait pas d’implantation locale, ses députés ayant été parachutés dans leurs circonscriptions, d’abord en 1958 puis en 1962, pour faire pièce aux élus de la IVe République : leurs sièges étaient donc vulnérables. Aussi ont-ils été systématiquement encouragés, et aidés, à conquérir des mandats locaux dont dépendait leur implantation durable, et dont dépendait aussi la composition du Sénat.

Aujourd’hui, 85 % des parlementaires cumulent plusieurs mandats [1] alors que, chez nos grands voisins, cette pratique est systématiquement découragée, quand elle n’est pas interdite, avec succès puisque les pourcentages de cumul s’échelonnent de 10 à 16 % (et 0 % pour les membres du Congrès américain).

Je ne reviens pas ici sur les raisons de principe qui militent pour la suppression de cette détestable exception française : confusion des intérêts entre les mains de « représentants multicartes », comme on le voit chaque fois qu’un intérêt local interfère avec l’intérêt national [2] ; effet parachute du mandat local qui permet au battu national de se replier sur son donjon local avant de rebondir sans fin ; confusion entre élection nationale et élection locale par identité des protagonistes ; consanguinité et verrouillage du personnel politique qui ne se renouvelle plus guère que par cooptation ou par coup de force.

Hélas, l’UMP a refusé d’y toucher, donnant au passage une preuve supplémentaire du vice de la chose. En se conformant à ce véto, Nicolas Sarkozy a contredit la logique de sa réforme. Les conséquences apparaîtront très vite ; j’en vois au moins deux.

La première s’origine dans la décentralisation : celle-ci n’a pas seulement accru les compétences des collectivités locales ; elle a surtout transféré des pouvoirs considérables à leurs exécutifs. En dépit d’un formalisme pseudo-parlementaire des assemblées locales et d’une surveillance, lointaine et sporadique, exercée par les tribunaux administratifs et les chambres régionales des comptes, depuis la suppression de la tutelle préfectorale ces pouvoirs s’exercent sans contrôle véritable, et parfois sans mesure. Les féodalités, que l’État royal avait mis plusieurs siècles à démanteler et dont l’État républicain avait combattu la résurgence, se sont reconstituées en deux décennies. Désormais les parlementaires de tous bords sont prioritairement attentifs à protéger leurs arrières.

Focalisés sur leurs propres mandats locaux, ni ceux de l’UMP ni le Président n’ont pris sérieusement conscience que les partis de gauche contrôlent la majorité des collectivités locales [3], et qu’ils les contrôlent pour longtemps en raison des moyens que ces mandats leur confèrent pour se prémunir contre tout renversement. Incidemment, on comprend pourquoi le PS a tant insisté sur la réforme du scrutin sénatorial, et pourquoi le refus opposé par l’UMP a déterminé son opposition à la révision constitutionnelle.

En effet, les grands féodaux ont désormais la capacité, et la volonté, d’établir un véritable contre-pouvoir, jusqu’à vider de leur substance certaines réformes en refusant d’appliquer la loi ou en la détournant ; mais aussi, grâce à leurs mandats parlementaires et au détournement d’usage qu’ils en font, de contrecarrer les objectifs majeurs et impératifs de remise en ordre de l’État et de maîtrise de la dépense publique. Accroître les pouvoirs du Parlement dans un tel contexte renforcera moins l’institution qu’il ne compliquera singulièrement l’action gouvernementale.

La seconde conséquence concerne le fonctionnement même du Parlement. Le cumul n’est matériellement pas compatible avec les nouvelles exigences qu’implique l’exercice quotidien du mandat parlementaire ! Comment approfondir les questions soumises au vote, comment suivre sérieusement les questions européennes, comment participer efficacement à une commission où, désormais, se fera le véritable travail d’élaboration de la loi et de contrôle de l’action gouvernementale, quand on doit également se consacrer à gouverner une ville, un département ou une région ?

De fait, ce sont les instances dirigeantes du parti majoritaire qui prendront la main au sein du Parlement. Ce sont ces instances, avec leurs appareils, leurs permanents et les groupes de pression auxquels ils peuvent être liés, qui piloteront les parlementaires. D’ailleurs, n’est-ce pas déjà avec l’UMP que le Président a dû négocier pied à pied sa révision constitutionnelle et ne s’est-il pas lui-même mis en prise directe sur son parti ?

3/ L’exécutif se laisse entraver

Logiquement, l’accroissement des pouvoirs du Parlement trouve sa contrepartie dans la réduction de ceux du gouvernement qui aura moins de prise sur les assemblées. Cela ne suffisait pas et Nicolas Sarkozy est allé encore plus loin. Il a accepté de brider l’exécutif en deux points sensibles.

Le premier, introduit à son initiative, concerne le pouvoir de nomination que détient le Président de la République. Traditionnellement, les hauts fonctionnaires [4] sont nommés par décret en Conseil des ministres, donc avec sa signature. Sous Valéry Giscard d’Estaing et plus encore sous François Mitterrand, la liste des nominations décidées à l’Elysée s’est considérablement allongée. On sait quel usage clientéliste en a été fait, et à quels abus ces nominations ont donné lieu. Par contrecoup, Nicolas Sarkozy s’était engagé à y introduire de la transparence. Désormais, à l’exception des hauts fonctionnaires précités dont les nominations sont régies par leurs statuts, toutes celles qui nécessitent la signature du président de la République seront soumises aux commissions parlementaires qui émettront un avis public (la publicité de l’avis constitue un frein efficace), et qui pourront même s’y opposer à la majorité des deux tiers. Juste retour de balancier.

Le second est plus problématique : il provient de la restriction introduite quant à l’utilisation du troisième alinéa de l’article 49 (le fameux 49-3) ; celui-ci permettait au Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée Nationale sur le vote d’un texte. La commission Balladur, qui cherchait une approche consensuelle avec l’opposition, avait proposé de limiter cette faculté aux seuls projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale ; Nicolas Sarkozy l’a suivie tout en ajoutant la possibilité d’y recourir pour un projet de loi ordinaire par session.

Cette restriction est particulièrement importante. L’expérience a montré que l’article 49-3, utilisé 82 fois depuis le début de la Ve République, a surtout servi soit à surmonter les réticences d’une majorité [5], soit à en contourner l’insuffisance numérique [6]. Nombre de réformes importantes sont passées grâce à l’alternative imposée aux députés : ou bien le gouvernement et le texte, ou bien pas le texte et plus de gouvernement avec le risque de dissolution en prime. Sans compter les votes obtenus par la simple menace d’y recourir.

D’un côté, le Premier ministre n’a plus la complète maîtrise du travail parlementaire ; de l’autre il perd partiellement l’usage de l’ultime instrument de contrainte. Entre les deux, ne lui reste que le recours au vote bloqué de l’article 44-3 [7], mais qui n’empêche pas une assemblée de rejeter un projet. La panoplie dont il disposait s’est réduite à peu de moyens. Il y a donc fort à parier qu’il sera de plus en plus souvent mis en difficulté par une majorité qu’il aura peine à conduire faute de ne plus disposer que d’une palette réduite d’outils pour exercer son autorité. Il est bien la principale victime de la révision.

4/ Que va devenir la fonction présidentielle ?

La principale question que pose la révision constitutionnelle est la suivante : y a-t-il encore un chef de l’État ?

Je conviens qu’elle est paradoxale ; mais l’évolution engagée depuis 1962, avec l’élection du président de la République au suffrage universel puis avec la réduction de son mandat à cinq ans et la synchronisation des scrutins présidentiel et parlementaire, se poursuit inexorablement. Nicolas Sarkozy en a prolongé la logique avec :

* d’une part la réduction à deux du nombre de mandats successifs du Président,
* d’autre part le droit qui lui est accordé de prendre la parole devant le Parlement réuni en congrès et de faire suivre sa déclaration par un débat.

Pour la première fois en France depuis le Second Empire, la cérémonie du « discours du trône » retrouve sa place dans nos institutions ; sauf que le « discours du trône » sera écrit par le Président lui-même et s’apparentera davantage au « discours sur l’état de l’Union » prononcé par le président des États-Unis. Il est clair que le statut du Président de la République vient de changer.

Certes l’article 20 confie encore au gouvernement la conduite de la politique de la nation ; certes le Premier ministre continue de diriger l’action du gouvernement, conformément à l’article 21 ; certes le gouvernement demeure responsable devant l’Assemblée nationale. Mais la révision constitutionnelle a bouleversé l’équilibre au sein de l’exécutif : en affaiblissant le Premier ministre, elle a entériné la remontée du pilotage gouvernemental au niveau de l’Elysée. Le Premier ministre est réduit au rôle de supplétif du Président, chargé de la coordination et de la gestion au jour le jour : Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs expliqué sans fard dans l’entretien accordé le 17 juillet dernier au journal Le Monde.

Simultanément, le président de la République s’est lui-même dépouillé de deux attributs traditionnels du chef de l’État :

* en partie, s’agissant du droit de grâce qu’il ne pourra plus exercer qu’à titre individuel,
* totalement, en ce qui concerne la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature désormais assurée par le Premier Président de la cour de Cassation, ce qui fait de ce Conseil, et de la magistrature en général, non plus une autorité mais bien un troisième pouvoir.

Ces attributs n’étaient pas seulement des reliquats de la royauté ! Ils témoignaient de l’existence d’une instance, visible et personnelle, placée au-dessus des partis et des aléas politiques, à laquelle on pouvait recourir en sa qualité d’arbitre suprême et impartial.

La révision aboutit de facto à rendre vacante la fonction de chef de l’État, au sens que l’on donne traditionnellement à cette fonction depuis que les institutions républicaines se sont stabilisées. En effet, qui pourra encore, de façon incontestable par son arbitrage, veiller au fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi qu’à la continuité de l’État, garantir l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et le respect des traités internationaux ? Peut-on être à la fois dans et au-dessus de la mêlée ?

On comprend les inquiétudes suscitées par cette évolution où d’aucuns voient une dérive bonapartiste : elle nous éloigne dangereusement des sages équilibres qui avaient fini par s’établir partout en Europe.

En fin de compte, ne restent plus que deux instances politiques entre lesquelles se joue désormais la partie, le Président et sa majorité parlementaire, en prise directe l’une sur l’autre ; et deux contre-pouvoirs : l’un visible, celui des collectivités locales ; l’autre implicite mais désormais totalement indépendant, celui des magistrats.

Si d’aventure les majorités présidentielle et parlementaire venaient à ne pas coïncider pour cause de vacance prématurée de la Présidence ou de dissolution, qui tranchera le conflit de façon incontestable, et comment ? Si l’on ne met pas un terme au cumul des mandats, comment régulera-t-on la concurrence avec des collectivités locales devenues des féodalités ? Qui tempérera un gouvernement que l’ivresse d’une victoire rendrait excessivement impétueux ou imprudent ? Qui sera garant de l’impartialité de la justice et de son bon fonctionnement ? Autant de crises potentielles dont les instruments de résolution ont disparu ou se sont émoussés. Or une Constitution n’est pas d’abord faite pour exercer le pouvoir ; elle a d’abord pour objet de réguler des pouvoirs concurrents le plus harmonieusement possible. Cette régulation est devenue incertaine.

Une nouvelle affaire concernant les financements occultes de l’UIMM vient d’éclater au grand jour. Cette fois-ci la CGT, le PS et le Medef sont accusés d’avoir bénéficié d’un financement occulte des caisses noires de l’Union des industries et métiers de la métallurgie.

On apprend aussi que « Les partis politiques hormis le parti communiste et l’extrême droite » seraient largement impliqués dans cette affaire.

De plus, le nom de l’ancien président de la République, François Mitterrand, a été mis en avant à plusieurs reprises. Il serait l’un des nombreux et principaux bénéficiaires des largesses illégales du patronat.

Modernisation des institutions de la Ve République

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le débat revenant devant l’Assemblée nationale est, pour nous socialistes, l’occasion de rappeler la constance et la fidélité des positions que nous avons prises dans la discussion depuis qu’elle est ouverte.

Nous avons dit, sans varier, que nous étions disponibles pour un compromis dans lequel nous pourrions retrouver les valeurs démocratiques, les procédures démocratiques, les objectifs démocratiques que nous défendons depuis des années.

Nous avons dit, sans varier, que même si cette réforme n’était pas la nôtre, que nous ne l’aurions certainement pas faite comme cela, il était néanmoins possible que nous puissions nous y retrouver, pourvu que vous accomplissiez les efforts nécessaires pour venir vers nous.

Je disais d’ailleurs, dans cet hémicycle, au cours de la première lecture, que, tout au long de notre travail de constituant, nous avons veillé à garder une chance que nos propositions puissent être reprises par les vôtres, que nos positions puissent se rencontrer sans perdre de vue ce qu’elles pourraient apporter de meilleur à la République, à la France et aux Français.

Nous avons été nombreux à dire qu’il était possible d’accepter un progrès insuffisant à nos yeux pourvu qu’il nous fasse avancer vers une réforme plus large et qu’il ne contienne aucun recul.

Nous avons multiplié les occasions publiques de dialogue dans l’hémicycle, au sein de la commission des lois à plusieurs reprises, à Matignon devant vous, monsieur le Premier ministre.
Nous vous avons tendu la main, nous vous avons présenté nos revendications, avec la même patience, le même goût de construire, et bien au-delà des graves désaccords qui nous opposent sur de nombreux autres terrains.

Nous n’avons reçu en échange, monsieur le Premier ministre, que des fins de non recevoir.

Nous avons défendu avec force la séparation des pouvoirs, là où nous déplorons chaque jour, dans les pratiques actuelles du pouvoir et du régime, la confusion et la concentration des pouvoirs sur la tête d’une seule et même personne.

Quand nous demandons des garanties pour l’opposition dans l’exercice de ses droits au sein des assemblées parlementaires, garanties qui équilibreraient la surpuissance du fait majoritaire, lui-même accélérateur de l’hyperprésidentialisme actuel, on nous répond : « on verra plus tard ».

Quand nous demandons des garanties sur la justice, pour assurer l’indépendance et la protection des magistrats par rapport aux intérêts partisans de l’exécutif, Mme la garde des sceaux nous répond : « nous avons besoin de contrôler les parquets et les magistrats », tout cela sur fond de dénonciation par les syndicats de magistrats de « caporalisation » dangereuse – je les cite – de l’appareil judiciaire.

Quand nous demandons des garanties de pluralisme et de représentativité à l’intérieur d’un Sénat immobilisé et moins réformateur encore que la Chambre des Lords, on nous répond par un durcissement de la protection des intérêts des sénateurs et l’installation d’un sanctuaire antidémocratique en béton armé pour les sénateurs de votre majorité.

Quand nous demandons des contreparties sur la monopolisation médiatique du temps de parole audiovisuel par le Président de la République, et maintenant ses collaborateurs, on nous claque la porte au nez. De surcroît, le pouvoir annonce la prise de contrôle par l’Élysée, de France Télévisions, célébrant les vertus de l’ORTF retrouvée, contre l’avis de 71 % des Français.

Le contrôle des médias publics plus le quasi-monopole du temps de parole, pardonnez-moi, c’est la violation de nos règles constitutionnelles du pluralisme – nous serions presque dans une ambiance quasi poutinienne.

Je le répète, le quasi-monopole du temps de parole plus le contrôle des médias publics, cela n’existe pas dans une démocratie pluraliste, contemporaine et européenne normalement constituée. Est-ce que cette formulation vous convient mieux ?

Quand nous demandons des garanties sur le charcutage électoral que vous vous apprêtez à faire, destiné à réduire une opposition qui vous semble vous gêner, qu’elle vienne d’ailleurs de vos propres rangs, comme le disait M. Grand ou qu’elle vienne de la gauche, vous nous répondez par des manipulations sur les futures circonscriptions des députés des Français de l’étranger, que vous inventez pour la circonstance.

Quand nous demandons la simple mise en œuvre des propositions du comité Balladur, on nous regarde avec les yeux du meilleur soupçon en nous reprochant presque d’être des balladuriens gauchistes ! Excusez cet oxymore. Nous pouvons de temps en temps plaisanter.

Là où nous attendions de l’esprit d’ouverture dont vous vous prévalez tant, nous n’avons eu en récolte que sectarisme et esprit systématique de fermeture !

Au lieu de vous saisir des propositions venues de la gauche, des propositions ambitieuses, rénovatrices, de notre système politique, vous avez décidé, à chaque fois, en commission, au Sénat et dans cet hémicycle, de nous claquer la porte au nez et de vous enfermer dans la négociation avec votre majorité sénatoriale !

Ce choix stratégique, monsieur le Premier ministre, est tout le problème du cheminement de cette réforme, car vous avez décidé de vous appuyer sur la majorité la plus immobiliste du Sénat, qui vous éloigne de plus en plus des valeurs démocratiques que la France et les Français ont dans le cœur, et que vous auriez pu, par ce texte, servir !

Votre alliance avec les conservateurs du Sénat a placé votre réforme dans une impasse. Comment faire une réforme avec des conservateurs qui pensent qu’il ne faut jamais réformer ?

Le Sénat – pardonnez-moi, mes chers collègues : je ne veux injurier personne – est le triangle des Bermudes qui a englouti la quasi-totalité des réformes démocratiques depuis 1958. Souvenez-vous de 1969, messieurs les gaullistes ! Il est l’angle mort de la réforme, dans lequel vous vous êtes précipité à tort, monsieur le Premier ministre, car réformer avec des anti-réformateurs, c’est comme construire l’Europe avec des pays qui ne veulent que la déconstruire ou ramer sur une barque avec une corde attachée à un arbre !

Votre choix stratégique est donc celui de l’enfermement dans le conservatisme sénatorial, et il ne produira rien d’autre que ce qu’il est en train de se produire : une non-réforme, pour ne pas dire – je vais citer quelques exemples – une anti-réforme.

Les premiers effets de ce choix ne se sont pas fait attendre, car, en plus des divisions qui traversent votre majorité à l’Assemblée nationale, voici que sont apparus des conflits à l’intérieur de ce concours de conservatisme qui s’organise entre votre majorité sénatoriale et votre majorité à l’Assemblée nationale.

En plus de ces conflits, vous avez trouvé des sénateurs en butte à ce projet, que vous avez choisi de soutenir plutôt que de contredire. Dans le processus de réforme, ils auront le dernier mot et chercheront inévitablement à faire plier la partie la plus réformatrice de votre majorité. L’entonnoir du Sénat s’est mis à fonctionner comme un étau dans lequel votre réforme risque bien de disparaître, courant juillet. Vous me permettrez d’étayer les regrets que j’exprime au nom des socialistes sur le contenu de la réforme qui nous est revenue du Sénat.

Il y a d’abord les dispositions dont nous jugeons qu’elles accroissent indûment les pouvoirs ou l’influence du Président de la République sur le système politique, que nous avons rejetées depuis le début du débat et qui ont malheureusement été adoptées définitivement. C’est le cas de la possibilité, pour le Président de la République, de s’exprimer devant le Congrès. Cette disposition n’est plus en discussion, puisqu’elle a été adoptée. Mais elle constitue à nos yeux un empiétement du pouvoir du Président de la République sur les compétences du Premier ministre et du Gouvernement, compétences que nous défendons avec obstination – malgré vous-même, monsieur le Premier ministre.

Il y a également la possibilité, pour les ministres démissionnaires, de retrouver leur siège au Parlement sans retourner devant les électeurs, laquelle augmente de fait les pouvoirs du Président de la République. Cette disposition lui permet en effet – en dehors de la condamnation, que nous pourrions tous émettre, d’une forme de retour au tourniquet de la IVe République – de révoquer ses ministres, sans aucune sanction électorale, de les changer, de disposer d’eux à sa convenance, comme de hochets dont il userait selon les desiderata de sa gestion personnelle du Gouvernement. Qu’y a-t-il au bout du chemin ? Une diminution conséquente du pouvoir des ministres, au profit de l’Élysée et de son cortège infini de collaborateurs. Par cette disposition, les ministres sont appelés à se faire progressivement neutraliser, même s’ils subsisteront en droit. En revanche, les collaborateurs du Président de la République, ordonnés autour du secrétaire général de l’Élysée – lequel s’exprime chaque semaine dans les médias audiovisuels, alors qu’il n’est pas responsable devant le Parlement, et qu’il n’a pas vos compétences, définies par la Constitution, monsieur le Premier ministre –, acquièrent et captent peu à peu le pouvoir constitutionnellement dédié au Gouvernement, dont, encore une fois, nous défendons la compétence malgré vous-même.

Nous avons également exprimé beaucoup d’inquiétudes sur la réforme de l’article 16, qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du Président de la République, sur sa seule décision personnelle. En effet, Mme la garde des sceaux a fait part dans cet hémicycle d’une interprétation baroque à nos yeux, mais inquiétante, parce que souple, libre et dénuée de limite sur l’usage qui pourrait en être fait, notamment en cas de terrorisme. De sorte que cette réforme censée encadrer l’article 16 ne l’encadre pas, mais revitalise au contraire l’usage d’un article inutile, dangereux, à ne pas confier à n’importe quelles mains.

De même, le pouvoir de nomination du Président de la République n’est nullement encadré, puisqu’il faut convaincre les trois cinquièmes des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour obtenir qu’une décision soit reconsidérée. Nous avons fait les comptes : il nous faudra convaincre plus de cinquante parlementaires, députés ou sénateurs, de l’UMP pour prétendre bloquer la moindre nomination. Autant dire que cela n’aura jamais lieu.

Mais il y a plus grave. Si la gauche venait à accéder aux responsabilités, elle serait en position de subir le veto permanent du Sénat, à raison de la place qu’il a acquise dans ce dispositif, alors même que ce même veto serait rigoureusement inaccessible à l’opposition lorsque vous êtes aux responsabilités. C’est une disposition injuste, dissymétrique, exclusivement tournée contre la gauche, jamais accessible ni utilisable contre vous-mêmes.
Ce simple fait suffirait à nous détourner de la naïveté qui aurait pu nous amener à considérer, à nous autres parlementaires socialistes, que votre réforme constitue un moindre progrès. Elle organise la protection ad vitam aeternam des intérêts de la droite – et nous en sommes désolés – dans le dispositif institutionnel. C’est la raison pour laquelle nous sommes contraints de la combattre.

Nous avons dit, en initiant ce débat, que tout ce qui augmenterait les pouvoirs du Président devrait être combattu et que tout ce qui les limiterait serait soutenu. Fidèles à notre parole, nous sommes contraints de combattre les dispositions que vous nous présentez.

Passons des pouvoirs du Président à ceux que ce texte accorderait au Parlement. On me permettra de dire et de répéter, comme nous n’avons cessé de le faire, depuis le début de cette discussion, que l’opposition ne peut pas raisonnablement se reconnaître dans cette réforme.

C’est un texte fait par la majorité, pour la majorité et qui, dans ses aspects positifs, n’accorde de surcroît de pouvoir, dans le cadre du fait majoritaire, qu’aux députés appartenant à la majorité. En vain nous avons demandé avec patience et obstination qu’il apporte des droits supplémentaires à l’opposition. Nous souhaitions ainsi le droit, pour soixante députés ou autant de sénateurs, ou pour un groupe parlementaire, de constituer une commission travaillant sur pièce et sur place, sans avoir à demander l’autorisation du Gouvernement ou du palais de l’Élysée. Il ne nous a pas été accordé. Nous avons eu de vagues promesses, des déclarations apaisantes, mais ce droit ne s’est pas concrétisé.

Par ailleurs, nous nous battons pour obtenir un temps de parole paritaire entre la majorité et l’opposition dans cet hémicycle. Mais, depuis le début de la discussion, cinquante heures n’ont pas suffi vous convaincre le président de la commission. Cette disposition, M. le président Accoyer s’est engagé à inscrire dans le règlement intérieur, mais celui-ci est élaboré par la majorité et c’est elle qui voudra bien l’octroyer, dans sa bonté ou sa générosité, aux pauvres députés de l’opposition. Autant dire que nous n’avons aucune garantie. Pourtant, rien ne vous empêche, monsieur le Premier ministre, de l’inscrire dans la Constitution.

D’ailleurs, comment croire à de telles promesses, puisque le temps de parole de l’exécutif augmente de 250 % à l’extérieur des hémicycles, dans les médias, au moment même où nous nous battons pour obtenir la parité du temps de parole dans les hémicycles. Et quand nous demandons un rééquilibrage ou des contreparties, on nous répond d’aller nous faire voir !

Chaque fois, le rapporteur et le ministre nous ont renvoyés à l’hypothétique réforme du règlement intérieur ou à des lois organiques. Or le premier ne relève que de votre pouvoir majoritaire ; quant aux deuxièmes, elles ne relèvent que du regard conservateur des sénateurs de votre majorité.
Pire, et j’insiste sur ce point, le droit d’amendement, qui est actuellement garanti par la Constitution, fait l’objet, après le passage du texte au Sénat, d’atteintes supplémentaires, malgré les apaisements et les déclarations renvoyant à une future réforme du règlement intérieur.

Le texte constitutionnel est pour nous inacceptable en ce qu’il fait dépendre de votre seule volonté l’exercice, pour les députés de l’opposition, du droit imprescriptible pour un parlementaire, je n’ose dire sacré, d’amender et de faire librement la loi. Nous ne pouvons pas l’accepter. Tout ce qui a été dit à ce sujet depuis le début de la discussion est confirmé par la volonté sénatoriale d’araser le droit d’amendement et de le faire dépendre d’un règlement intérieur que la majorité fera seule et sans nous.

D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, l’un des vice-présidents de l’Assemblée, qui appartient à votre majorité et présidait les débats quand nous avons examiné, la semaine dernière, le projet de loi portant réforme du temps de travail, a déclaré à cette tribune qu’il souhaitait, pour lutter contre les amendements du groupe socialiste, qu’il jugeait excessifs – mais il n’a pas à s’arroger le contrôle du droit d’amendement –, que la réforme institutionnelle puisse intervenir au plus vite. N’est-ce pas une forme de lapsus ?

La réforme institutionnelle n’est-elle faite que pour empêcher les socialistes de déposer des amendements sur tel texte ou sur tel autre ? J’ai cité les déclarations du vice-président Laffineur. Je regrette ces déclarations, mais s’il s’agit d’un lapsus, il devra les rectifier très vite dans le compte rendu.
Quant au contrôle de l’envoi de forces armées hors de nos frontières, disons-en un mot, si vous le permettez, monsieur le Premier ministre. Ce texte aura montré que vous n’avez pas été capable d’aligner le contrôle qui s’exerce dans notre pays sur celui des Parlements de toutes les autres puissances militaires européennes. Pas de vote, pas de débat, pas de communication des accords militaires secrets de coopération ou d’assistance techniques, qui existent depuis quarante ans et justifient que l’on déclenche l’envoi de troupes dans certains pays, en général des pays africains avec lesquels nous avons des liens historiques. Même cela ne nous a pas été octroyé ! Malheureusement, le domaine réservé du Président de la République a encore de beaux jours devant lui.

Va-t-on alors avancer l’argument que les citoyens pourraient se reconnaître dans cette réforme ?

Le référendum d’initiative populaire, qui ne reprenait pas même la proposition du comité Balladur, a été passé au laminoir du Sénat, qui rend impossible sa mise en œuvre ou décourage toute forme de militantisme civique, qu’un tel dispositif pourrait susciter, s’il était généreux et ouvert.
Certes, les justiciables pourront désormais saisir le Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil constitutionnel. C’est un point positif. Pourtant, la composition de ces deux organes juridictionnels reste et restera toujours aussi politisée et partisane.

D’ailleurs, cela posera quelques problèmes, au regard des garanties d’indépendance que toute juridiction qui peut être saisie par des justiciables doit offrir, eu égard à nos engagements européens.
Alors, que reste-t-il de positif dans ce que vous nous avez proposé ? Cela mérite d’être recherché, car l’exercice relève de l’honnêteté intellectuelle des uns et des autres.

Répartition des compétences entre le Président de la République et le Premier ministre en matière de défense nationale : nous en sommes réduits à trouver des avancées dans cette réforme là où il n’y a finalement que maintien du statu quo.

Nous nous réjouissons que l’on ait préservé l’actuel article 8 de la Constitution !

Suppression des irrecevabilités opposées par les présidents des assemblées aux amendements empiétant sur le domaine du règlement : là encore, l’avancée réside dans le maintien du statu quo. Et nous sommes obligés de nous en réjouir : belle entrée dans la modernité !

Ratification expresse des ordonnances : voilà une disposition qui était nécessaire, mais qui reste homéopathique au regard de la crise de la loi, de la légitimité de celle-ci, et de la façon dont on continuera à user et à abuser des ordonnances, au détriment des compétences qu’exercent tous les parlementaires, quel que soit leur groupe.

Rétablissement du droit de résolution des assemblées : enfin ! Très bien ! Néanmoins, la version du Sénat permet au Gouvernement de s’opposer à ces résolutions, dès lors qu’elles risquent de mettre en cause « directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement. » Et M. Warsmann, président de la commission des lois, a proposé que ce soit le gouvernement qui décide de bloquer ces résolutions, au cas où elles risqueraient de le mettre, directement ou indirectement, en cause. En somme le gouvernement décidera si le Parlement a ou non le droit de s’exprimer sur tel ou tel sujet, comme en matière de commission d’enquête.

Délais minimums entre le dépôt d’un projet et sa discussion par les assemblées : le Sénat a décidé d’imposer des délais plus longs que ceux qui avaient été retenus par l’Assemblée nationale en première lecture. C’est très bien !

Nous nous en réjouissons. C’est un point positif. Mais que de temps il a fallu pour acquérir, pour décrocher le pompon du délai supplémentaire. Quelle avancée ! En outre, les exceptions prévues sont si nombreuses – projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale, projets relatifs aux états de crise – que l’essentiel dépendra finalement du bon vouloir du Gouvernement.

Ah ! Voici un point très positif : l’augmentation du nombre de commissions permanentes dans les assemblées, lequel passe de six à huit. Cette disposition constitue une avancée, mais excusez-moi, ce n’est tout de même pas la Révolution française !

Possibilité de s’opposer à la procédure accélérée : très bien ! Néanmoins, la conférence des présidents de deux assemblées pourra conjointement s’y opposer. Bref, il y a un certain nombre d’avancées, qui sont de l’ordre du détail, même s’il s’agit de détails nécessaires et utiles. Ce projet, monsieur le Premier ministre, n’est pas à la hauteur de la crise démocratique qui frappe le pays.

Je ne lui reconnais qu’un avantage : il constitue un outil astucieux destiné à faire croire qu’il y a une réforme. Mais sur tous les points que je viens d’énumérer, peut-on sérieusement et honnêtement le qualifier ainsi ?

Nous qui avons donné une chance à ce processus, en assumant la discussion publique avec vous, en cherchant à vous convaincre plutôt qu’à vous combattre, nous avons le sentiment d’avoir épuisé notre salive et d’avoir été menés en bateau jusqu’au port du plus complet conservatisme.

Les astuces, le talent du Gouvernement en matière d’enrobage et de maquillage, son sens de la mise en scène et de la décoration ne suffiront pas à dissimuler l’énorme malentendu qui subsiste entre le pays et ceux qui le dirigent.
Les Français veulent davantage de démocratie, de délibérations et de contre-pouvoirs, mais vous leur donnez tout le contraire : le renforcement de l’absolutisme présidentiel, qu’il s’exerce en droit ou en fait, de façon directe ou indirecte. Plus les difficultés économiques et sociales s’accroissent, plus les Français ont besoin de démocratie pour les exprimer et les faire entendre. Ils ne pourront pourtant pas se reconnaître dans une réforme qui leur ferme, à eux aussi, la porte au nez.

Cette déception et ce malentendu viendront s’ajouter à d’autres, plus graves et plus lourds encore. Chacun l’aura compris, cette réforme est faite par le pouvoir pour le pouvoir et pour assurer le maintien au pouvoir de ceux qui l’exercent.

C’est la raison pour laquelle nous vous la laisserons.

La réforme sur la Constitution a été adoptée en fin d’après-midi à une voix de majorité (539 contre 357 – majorité des 3/5èmes) au congrès de Versailles. Après les pressions, les manœuvres politiques et les marchandages parlementaires, nous avons assisté à un nouveau coup de théâtre. Jack Lang a fait un nouveau pas hors du Parti Socialiste et s’est prononcé en faveur de la réforme constitutionnelle. En votant aux côtés des députés de l’UMP et de la majorité présidentielle, sa voix a été prépondérante dans le basculement des résultats.

L’ancien ministre de François Mitterrand a été immédiatement complimenté par François Fillon le qualifiant de « courageux ». A soixante-huit ans, l’éléphant du Parti Socialiste risque fort bien de se refaire une santé politique au sein de l’UMP aux côtés de son complice Bernard Kouchner.

Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a jugé le comportement de Jack Lang de « gravissime » et d’« une trahison de tous nos idéaux ».

M. Ayrault a ensuite déclaré qu’« il y a une rupture qui vient de se produire. Je suis triste pour lui, triste pour tout ce qu’il a fait mais c’est son choix, ce choix de partir sur un chemin tout seul vers d’autres horizons. Quand il se retournera, peut-être qu’il se retrouvera seul ».

Le premier secrétaire du Parti Socialiste, François Hollande a ajouté qu’« Il a pris une grande responsabilité, c’est à lui de tirer les conclusions de cet affranchissement de la délibération collective » sans pour autant énoncer le mot « sanction ».

De plus, on notera, aussi, des retournements de situations au sein de la droite et de la majorité présidentielle. Le 18 juillet, Charles Pasqua annonçait dans un entretien accordé à France soir, qu’il ne voterait par pour cette « usine à gaz ». Pourtant cet après-midi, l’ancien ministre de l’Intérieur a voté en faveur de la réforme, tout comme son compagnon politique et ancien maire de Nice, Jacques Peyrat.

A l’annonce des résultats, la réaction du leader du Front National ne s’est pas fait attendre. Jean-Marie Le Pen a dénoncé cette « mauvaise réforme qui n’ouvre la voie à aucun progrès de la démocratie (…) ne peut surtout masquer le fait que notre Constitution n’est plus qu’une charte régionale, subordonnée aux institutions du super-Etat européen ».

Quatre députés socialistes dénoncent «une forme d’antisarkozysme pavlovien» pratiquée par la direction du parti.

Les couteaux sont sortis au PS. Avec l’échec de sa tentative de bloquer la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy, les socialistes s’offrent une nouvelle crise. Une de plus depuis la défaite de Ségolène Royal à l’élection présidentielle. Un spectacle que l’on observe avec satisfaction à l’Élysée. Mardi matin, lors d’une rencontre avec les chefs de la majorité, Nicolas Sarkozy s’est réjoui de voir «le PS en train d’exploser».

Si Jack Lang a concentré les critiques mardi et est désormais implicitement menacé d’exclusion, de nouvelles dissensions sont apparues au sein du parti. Dans une tribune publiée dans Le Monde, quatre députés socialistes, sur les dix-sept qui avaient appelé en mai à un compromis sur le texte de Nicolas Sarkozy, ont mis en cause la gestion de cette réforme par la direction du parti. «Le PS doit s’interroger sur sa stratégie de parti d’opposition, écrivent Manuel Valls, Gaëtan Gorce, Jean-Marie Le Guen et Christophe Caresche. Sa disqualification résulte de son incapacité à s’abstraire d’une forme d’antisarkozysme pavlovien qui le conduit à s’opposer systématiquement à tout projet émanant du président.» Réponse de Jean-Marc Ayrault : «Je crois que la question de la cohérence pour ces personnes, qui ont voté comme nous contre, ne se pose pas à moi mais à eux.» Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale a en outre trouvé le moyen de s’occuper du cas d’Arnaud Montebourg. Défié par ce dernier qui voulait s’emparer de la présidence du groupe, Jean-Marc Ayrault lui a retiré le poste de vice-président qu’il occupait jusqu’alors, en lui laissant toutefois celui de la justice.

Personnalités incompatibles

Enfin, le PS s’est penché sur le cas des Radicaux de gauche de Jean-Michel Baylet qui ont constitué un précieux renfort pour l’adoption de la réforme. «S’ils changent d’alliance, il faut qu’ils nous le disent tout de suite. On ne va pas continuer à déposer des candidatures communes aux élections sénatoriales et législatives si ce parti franchit le Rubicon et s’en va dans la majorité», a menacé Jean-Marc Ayrault. Bref, au PS mardi, on essayait tant bien que mal de gérer la crise, à défaut de s’interroger sur la meilleure façon de gérer l’opposition à Nicolas Sarkozy.

Ce sera l’une des questions centrales du prochain congrès du parti en novembre à Reims. Elle n’est pas mince puisque, pour schématiser, elle divise le PS en deux camps. Les réformateurs, prêts à accompagner certaines réformes, et les traditionalistes, ancrés dans des mécanismes d’opposition frontale. Problème : à quatre mois du congrès de Reims, plus grand monde au PS n’ose prendre le risque d’afficher des sympathies pour des réformes sarkozystes. Si bien que le PS affiche aujourd’hui une géographie complexe et mouvante. «Plus personne n’y comprend rien», se désolait récemment le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis. Et cela risque de durer encore un moment.

Dans la perspective de Reims, les principaux leaders du parti comptent mettre l’été à profit pour tenter de bâtir une majorité. Ce qui suppose un minimum de rapprochements. Mais, pour l’instant, les combinaisons qui permettent d’aboutir à une majorité supposent des alliances de personnalités incompatibles. Ségolène Royal veut aller seule jusqu’au bout. Martine Aubry, comme d’autres, ne veut plus de François Hollande. Ce dernier s’allierait bien avec Bertrand Delanoë mais le maire de Paris voudrait aussi y aller avec Martine Aubry. Le maire de Lyon Gérard Collomb ne veut pas de Laurent Fabius mais apprécie les strausskhaniens qui tentent pourtant de s’allier avec les fabiusiens. Deux courants qui aimeraient, eux aussi, rallier Martine Aubry. Voilà ! Comme le résume Jean-Christophe Cambadélis, «le PS consume son énergie dans un jeu de Rubik’s Cub improbable».

Avec la création de son parti anticapitaliste, le porte-parole de la LCR inquiète le PS, contraint de créer un “groupe de veille”. Son programme, son parcours : notre enquête.

Mieux vaut tard que jamais. Ce n’est que lors du bureau national du PS du 13 mai, qu’a été décidée la création d’un “groupe de veille” sur Olivier Besancenot. Une idée signée François Hollande, après que celui-ci eut assisté, deux jours plus tôt, à la prestation du facteur trotskiste lors de l’émission Vivement dimanche sur France 2. Selon lui, Besancenot, qu’il a trouvé « très bon », réclame au parti « d’être doublement vigilant » parce qu’il s’écarte du « langage habituel » et parce qu’il «cherche à structurer un espace politique en excluant de gouverner avec [eux] ».

Lui-même ancien de la Ligue, Julien Dray prend alors la parole. Il partage l’inquiétude de Hollande : « Si le PS se divise, dit-il, si nous ne sommes pas capables d’avancer, alors risque de se développer un fatalisme, un esthétisme de la minorité ; certains à gauche soutiendront Besancenot pour se faire plaisir. »

Autre intervenant : Jean-Christophe Cambadélis,lui aussi ancien trotskiste. Il compare l’émission du jeune facteur au passage – fondateur – de Jean-Marie Le Pen à l’Heure de vérité, en février 1984, au début de sa percée : « Sans vouloir faire d’amalgame, prévient-il, il s’agit dans les deux cas d’un passage du statut de leader extrémiste à celui de leader comme les autres. » Et d’ajouter : « Trop occupés par le cas Bayrou, nous avons négligé le phénomène Besancenot. »

C’est peu de le dire. Profitant d’une hausse de treize points en un mois, le porte-parole de la LCR est aujourd’hui considéré par les Français comme “le meilleur opposant” à Nicolas Sarkozy, selon la dernière étude OpinionWay-le Figaro. « Contrairement aux responsables socialistes, ce n’est pas l’échéance de 2012 qui le préoccupe, mais la situation des gens », relèvent massivement les personnes interrogées – dont de nombreux électeurs du PS. Avec 52 % d’opinions favorables, Besancenot devance désormais,aussi, Royal, Hollande, Fabius et Aubry dans le baromètre Ipsos-le Point. « Il se passe vraiment quelque chose. Ce n’est pas seulement une bulle de savon médiatique », affirme, pour sa part, Jérôme Fourquet, de l’Ifop.

Chargé, par Hollande, de “piloter”le “groupe de veille” dédié à l’ancien candidat à la présidentielle (4,5 %), Daniel Vaillant a réuni une petite équipe autour de lui : Bruno Le Roux, le “monsieur sondage”du PS,et quelques trotskistes “recyclés” : Dray,Cambadélis, l’eurodéputé Henri Weber… La consigne reçue est claire : «Trouver les moyens efficaces d’empêcher la construction pérenne d’une extrême gauche. » « En 1974, se souvient Vaillant, Mitterrand avait confié à Jospin une mission d’observation sur les relations avec le parti communiste. Ses travaux avaient été très utiles. »

Pour le PS, il y a péril.« On va vous faire avec Besancenot ce que vous nous avez fait avec Le Pen », a lancé Sarkozy à Hollande, le 7 juin, dans l’avion qui les ramenait du Liban, où le chef de l’État avait convié les chefs de parti. Mais à droite aussi, la percée du leader trotskiste ne devrait pas manquer d’interpeller. Sous prétexte de diviser la gauche, faut-il se réjouir de l’ascension d’un homme dont le parti résume ainsi son objectif, en préambule de son “plan d’urgence anticapitaliste” : « Nous voulons chasser ce gouvernement et mettre à sa place […] un gouvernement fondé sur la mobilisation et le contrôle populaire. »

Parmi les propositions contenues dans son programme (lire notre encadré page suivante) : l’interdiction de licenciement, le passage aux 32 heures, la renationalisation de toutes les entreprises privatisées et ouvertes à la concurrence… Le tout financé avec l’argent des “riches” : suppression de tous les “cadeaux fiscaux”, augmentation de l’ISF, des hautes tranches de l’impôt sur le revenu et des cotisations patronales. « Le maintien des emplois doit être assuré sous peine de réquisition des entreprises, précise-t-on sur le site Internet de la LCR. En cas de carence de l’employeur, c’est la responsabilité collective du patronat de maintenir les salaires et les activités, grâce à un fonds de mutualisation fondé sur des cotisations patronales. » Plus loin, cette autre “perle” : « La sécurité industrielle exige des mesures radicales qui retirent le pouvoir aux actionnaires et donnent le pouvoir aux populations de décider et de contrôler »…

Les liens historiques entre l’extrême gauche et le terrorisme

Ultradirigisme d’un côté. Ultralaxisme de l’autre. En matière d’immigration, ses électeurs, et les autres, savent-ils en effet que Besancenot et son parti réclament la régularisation immédiate de tous les sans-papiers, avec l’octroi d’une carte de résident de dix ans, automatiquement renouvelable ? Savent-ils encore que la LCR revendique le droit de vote et l’éligibilité pour tous les étrangers (y compris hors Union européenne) à toutes les élections (dont la présidentielle) ? Afin de sortir de la « criminalisation des jeunes et des pauvres », le parti trotskiste préconise rien moins que l’abrogation des lois de sécurité et même… la suppression des fichiers informatiques de police ! Les « contrôles » étant, en revanche, renforcés dans le domaine social.

« Irréaliste et dangereux » : c’est ainsi que le ministre d’ouverture Jean-Marie Bockel, interrogé par Valeurs actuelles, juge le programme de la LCR. « Si ses recettes étaient appliquées, ajoute-t-il, on assisterait, en quelques semaines, à l’effondrement de notre économie et, assez rapidement, à la remise en cause de nos libertés. » L’adhésion de Jean-Marc Rouillan, l’ancien terroriste d’Action directe, au parti de Besancenot n’est, de ce point de vue, pas aussi anodine que ce dernier l’a laissé croire. Elle rappelle, en effet, les liens “historiques” entre l’extrême gauche et l’action violente. Liens jamais entièrement rompus : interrogé par le Monde, Pierre-François Grond, dirigeant de la LCR et proche de Besancenot, ose ainsi qualifier de simple « connerie faite il y a vingt ans » le double assassinat de Georges Besse et du général Audran ! Complice de Rouillan au moment des faits, il se murmure d’ailleurs que Nathalie Ménigon s’apprêterait,elle aussi, à rejoindre le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) de Besancenot…

À plusieurs reprises, au cours de son histoire, la Ligue communiste, devenue LCR en 1974, a allègrement franchi la ligne jaune : candidat à la présidentielle de 1969, Alain Krivine, le mentor du postier, appelle ses électeurs à sortir de la légalité en s’organisant en « comités rouges » ; en 1979, le parti refuse de condamner l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS… Dissoute une première fois en 1973, suite à l’attaque sanglante (des dizaines de policiers blessés) d’un meeting d’extrême droite, l’organisation manquera à plusieurs reprises de l’être à nouveau, tant son « redoutable service d’ordre paramilitaire » fait parler de lui. « Cette tentation militariste ira très loin », écrit Christophe Bourseiller dans les Ennemis du système (Robert Laffont), citant notamment le film Mourir à trente ans de Romain Goupil. Lequel « décrit la trajectoire de Michel Recanati, principal responsable du service d’ordre, que tenaille l’envie de passer à l’acte. Au terrorisme. Après la dissolution de la Ligue en 1973, Recanati prendra du champ et se suicidera quelques années plus tard ».

La LCR a-t-elle vraiment changé ? Et si oui – au moins sur la forme –, sur quelle ligne se situe exactement Besancenot ? De lui,on sait finalement peu de choses.Mais son profil est loin d’être aussi lisse qu’on le dit :“facteur volontaire”, puisqu’il dispose d’une licence d’histoire qui lui aurait permis de briguer un autre emploi, Besancenot ne s’est jamais contenté pour vivre de ses 1 200 euros mensuels : ancien assistant parlementaire de Krivine au Parlement européen,le leader trotskiste, qui perçoit un second salaire de son parti,est aussi le compagnon de Stéphanie Chevrier, l’une des plus importantes éditrices de Paris.C’est dans le très bourgeois appartement de cette ex-compagne du chanteur Yves Simon que vit Besancenot, plus que dans l’appartement du XVIIIe dont il est propriétaire – et qu’il a mis en location.

Plus cynique qu’on le dit, est-il aussi moins “modéré”qu’on croit ? Daniel Vaillant s’interroge : «On sait que Christian Picquet, qui incarnait une ligne d’ouverture à la LCR, a été débarqué il y a quelques semaines, relève-t-il. Il est donc important de connaître les conséquences de ce limogeage : la Ligue va-t-elle effectuer un tournant plus radical, ou au contraire va-t-elle reprendre la ligne de Picquet en se l’appropriant ? »

À cette question, et à beaucoup d’autres, le “groupe de veille” mis en place par le PS devra répondre, s’il ne veut pas risquer une LCR aux alentours de 10 % aux européennes de 2009, comme certains le craignent.Le temps presse.Mais la commission mise en place par Vaillant a plutôt tendance à se traîner.Signe de la profonde léthargie dont semble atteint le parti socialiste, c’est près d’un mois après sa création que la cellule de crise s’est enfin réunie pour la première fois ! La réunion a eu lieu le 11 juin, dans un… salon privé de l’hôtelBristol – l’un des plus chics de la capitale. Pendant ce temps, Besancenot, lui, était à Nantes devant un parterre d’enseignants…

Le PDG d’EDF, Pierre Gadonneix, a indiqué avoir demandé à l’Etat une hausse des tarifs réglementés de l’électricité «au plus égale à l’inflation», qui pourrait s’établir à environ 3% cette année, vendredi lors d’une conférence de presse.

M. Gadonneix a expliqué qu’il avait demandé cette hausse pour couvrir «les coûts» de son entreprise, conformément au contrat de service public entre EDF et l’Etat qui stipule que la hausse de ces tarifs, fixés par l’Etat, ne peut pas dépasser l’inflation.

«Nos coûts d’exploitation et nos volumes d’investissements ont augmenté sous l’effet combiné de la hausse des prix des matières premières et l’accélération de notre programme de réalisation de nouvelles capacités de production, de maintenance et de développement des réseaux», a souligné M. Gadonneix pour justifier cette demande de hausse des tarifs.

Les tarifs réglementés de l’électricité pour les particuliers avaient augmenté de 1,1% en août 2007.

Aujourd’hui, soyons fou ! Imaginons un monde sans Monsanto où les seuls produits de traitement autorisés seraient les purins d’orties, de prêle, de consoudre, les macérations d’ail, les infusions ou les décoctions en tout genre.
Un monde où l’association Kokopelli serait reconnue d’utilité nationale pour son combat pour la défense et la sauvegarde des variétés de graines anciennes.
Oui, bon, c’est utopiste… mais on a bien le droit de rêver quand même.

En attendant, on a quand même eu une bonne nouvelle ce matin : on a fait une nouvelle adepte du purin d’ortie et forcément on se met à rêver. On se dit que si chacun d’entre nous se convertissait au purin d’ortie et arrivait à convertir au moins un voisin, on pourra de nouveau rêver d’un monde meilleur.

Réfléchissons ! Quels arguments va-t-on utiliser pour vous convaincre ?

– le prix ? des orties ramassées et de l’eau de pluie donc coût zéro centime
– la protection de l’environnement ? c’est un engrais bio
– la protection des humains et des animaux ? pas besoin de masque, de gants, de protections diverses et variées lors de l’utilisation : c’est sans danger
– son utilité ? renforce les défenses des plantes, diminue les maladies, très bon engrais, activateur de compost
– son efficacité ? il suffit de regarder un jardin « avec » et un jardin « sans », la différence saute à l’œil nu. Les plantes sont plus grandes, poussent plus vite, donnent plus de fruits, de légumes, de fleurs, et cela en un rien de temps.

Alors d’accord son odeur est terrible ! Mais bon, au vu des avantages, on s’habitue très vite à l’odeur !
Un autre défaut ? Le risque de brûler la plante en cas d’utilisation en trop forte quantité, il faut diluer le produit et ne surtout pas l’utiliser pur, car c’est très fort !
A oui dernier défaut, ça ne fait pas repousser les cheveux, ni grandir les humains ! Pourtant à chaque fois que je pulvérise mes arbres fruitiers, avec les retombées, on prend une douche de purin, et bien çà n’a aucun effet, malheureusement !

Alors la recette de ce produit miracle ? Comme on est très généreux et toujours prêt à vous rendre service, on va vous la dévoiler !
En fait, c’est simple comme tout.
Vous mettez environ un kilo d’orties coupées en morceaux (attention à ne pas prendre des orties en graines ou en fleur) dans un seau ou un récipient quelconque d’une contenance d’une dizaine de litres et comportant un couvercle. Vous remplissez le seau d’eau de pluie et vous mélangez bien avec un bâton.
Tous les matins, vous sortez le seau au soleil en enlevant le couvercle. Vous fermez le soir. Vous mélangez 2 à 3 fois par jour pendant 2 minutes.
Au bout de 4 à 5 jours (s’il fait beau) ou 1 semaine si le temps est plus frais, le mélange commence à mousser, une écume blanche apparaît. C’est le signe que c’est prêt. Ne laisser pas macérer la préparation plus longtemps, cela la tuerait, elle n’aurait plus aucune efficacité.
Il suffit à ce moment-là de filtrer le jus (à l’aide d’un vieux tissu, un bas ou un vieux rideau).
Vous pouvez conserver ce jus, au frais et à l’abri de la lumière (dans une cave par exemple), dans des bouteilles ou bidons pendant 1 an, il sera toujours aussi efficace. Le reste des orties peut être jeté sur le tas de compost, cela en améliorera la décomposition.
Lors de l’utilisation, le diluer à 10 % en pulvérisation (1 litre de purin pour 10 litres d’eau) et à 20 % en arrosage.

Vous pouvez utiliser cette potion miracle, une fois tous les 15 jours (pas plus) du printemps à l’automne, le matin de bonne heure ou le soir.
N’ayez pas peur, les plantes et arbres ne gardent pas l’odeur de purin, le goût de vos fruits et légumes ne sera pas altéré.

Alors convaincu ? Essayez le vite et vous ne pourrez plus vous en passer. Mais promettez-moi une chose, si vous en êtes satisfait, n’oubliez pas d’en parler autour de vous et de faire de nombreux adeptes.

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